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AFRIQUE

Guerre au Mali : Les tchadiens s'estiment lésés par une "ingratitude"

Lettre d’un tchadien à ses frères Maliens !


Alwihda Info | Par Moussa Guetane - 8 Août 2013



Des soldats tchadiens sécurisent l'aéroport de Gao, le 27 janvier. Crédits photo : Ghislain Mariette/ECPAD
Des soldats tchadiens sécurisent l'aéroport de Gao, le 27 janvier. Crédits photo : Ghislain Mariette/ECPAD
Ce dimanche du 28 juillet 2013, c’est jour des élections maliennes post-crises du coup d’état militaire suivi de l’invasion des narcotrafiquants. Comme beaucoup d’Africains, je me disais que ce scrutin permettra à ce pays frère de tourner enfin, et à jamais, la page de la violence et de l’obscurantisme qui avait secouée le pays. En sortant de mon immeuble situé dans une grande ville occidentale, j’ai croisé une voisine de palier que je prenais pour une sénégalaise. En fait, elle était malienne, née au Sénégal et mariée à un ressortissant du pays de la teranga.

Ma voisine portait un joli grand boubou (Kaba) en pagne qui faisait fièrement allusion aux élections. Les motifs et slogans étaient aussi évocateurs de la vision des frères Maliens sur la guerre qui avait déchiré et endeuillé leur pays. Sur ce pagne était dessiné plusieurs drapeaux français et maliens, et des mots saluant le courage et l’engagement de la France aux cotés des Maliens. On saluait la mémoire des soldats français morts pour le Mali. Aucun mot, aucune allusion sur le Tchad. En tchadien amoureux et jaloux de son pays, j’ai comme reçu un véritable coup de poignard au cœur, tant les messages sur ce pagne étaient injustes autant mon indignation est grande.

Curieux, j’ai posé des questions sur ce pagne et les motifs à ma voisine. Sa réponse est du moins laconique : « je porte la fierté de mon Mali en reconnaissance du sacrifice de la France pour mon pays ». Mais de quel sacrifice veut-elle me faire savoir? Le Mali et bon nombre des pays africains avaient consentis d’énormes sacrifices pour libérer la France des nazis. Nos pays avaient durant des siècles, participés à l’édification de la grandeur de la France laquelle avait pillé nos ressources et continue de le faire encore. Cette France en nous accordant l’indépendance, n’avait rien laissé pour ses colonies, contrairement aux Anglais, les colonies françaises étaient tout simplement saignées à blanc. Pourtant, nous avons perdu des milliers d’hommes pour défendre les intérêts de ce pays. Durant la deuxième guerre mondiale, la guerre d’Indochine, etc.

En quelques minutes, ma pensée s’était emballée comme une machine détraquée. Pourquoi une telle ingratitude à l’égard de mon Tchad? Pourquoi ce comportement des Maliens vis-à-vis de mon pays qui avait pourtant payer un lourd tribut sur les champs de bataille? Pourquoi méconnaître le rôle déterminant des forces armées tchadiennes dans la défaite des djihadistes? Nos frères Maliens savaient-ils que ce sont les militaires tchadiens qui avaient abattus l’un des émirs Abou Zeid de cette nébuleuse qui imposait sa loi au nord Mali? Nos frères Maliens mesuraient-ils le sacrifice financier fait par le Tchad en solidarité avec leur pays ? Les Maliens doivent se rappeler et tacher de connaitre une chose, durant plus de trente ans, le Tchad avait connu une succession de guerres sans merci qui avait failli imploser à jamais le pays. Contrairement au Mali, le Tchad avait presque fait cavalier seul, contre la Libye soutenu majoritairement par la ligue Arabe et un contingent non négligeable de combattants palestiniens et autres fervents défenseurs du panarabisme.

Pendant que nos soldats, entassés dans leurs frêles Toyota faisaient courageusement face à des centaines de mastodontes, des tanks de derniers cris, de marques soviétiques dont les fameux T72. Pendant que nos combattants dirigés par feu Hassan Djamous et le jeune colonel Idriss Deby, armés seulement de leur courage et de leur amour pour le pays de leurs ancêtres, résistaient vaillamment aux destructeurs Sukhoïi, aux furtifs et nuisibles Mig23 et 27, aux foudroyants Tupolev, aux redoutables hélicoptères MI24, aux salves des missiles Katioucha et autres engins de mort dont disposait en quantité industrielle la Libye, nos frères africains, surtout de l’Ouest, nous avaient honteusement tourné le dos, même si des pays comme le Zaïre, l’Égypte et le Gabon, avaient fait de leur mieux pour soulager la souffrance de notre peuple, en nous envoyant des armes, des munitions, du carburant et des soldats Zaïrois pour assurer la sécurité. L’Afrique avait fait profil bas.

La guerre entre le Tchad et la Libye était un combat entre David et Goliath. La Libye faisait décoller quotidiennement une centaine d’avions de chasse, de bombardiers et autant d’hélicoptères. Mon pays, n’avait même pas un seul avion. Nos soldats fonçaient avec l’espoir qu’ils défendaient leur pays, ils avaient récupéré des milliers d’armes, des avions et des hélicoptères sur l’ennemi Libyen (faits d’arme rares dans une guerre!). Ils viennent d’inscrire le nom du Tchad dans les annales de l’histoire par les faits d’arme et leur fameux rezzou mécanisé à bord des Toyota, ce qui avait fait un grand brin de publicité au constructeur japonais qui gratifia mon Tchad adoré de centaines de ces fameuses 4X4 Toyota que l’on voit aujourd’hui dans des nombreux conflits en Afrique et dans le monde.

Toutefois, mon pays restera reconnaissant à feu Eyadema, Président Togolais qui avait bravé les balles et les obus pour se rendre à N’Djamena à partir de la ville frontalière camerounaise de Kousséri, cernée de toute part, par des combattants tchadiens impliqués dans une guerre fratricide meurtrière qui aurait fait durant neuf mois des milliers de morts sans que personne ne sache jusqu’à ce jour, le nombre exacte, car, dans la guerre des pauvres, on ne comptabilise pas le nombre de décès. Et depuis les trente années de guerre, personne n’a pu avancer un chiffre sur le nombre exact des victimes civiles et militaires mortes ou disparues. Chez vous au Mali, vous avez la chance de connaitre comme les doigts de la main, le nombre des victimes tuées par les narcotrafiquants, de vos militaires tombés au combat. Vous connaissez même le nombre approximatif de vos amputés et des femmes violées, flagellées ou lapidées. Chez moi, au Tchad, depuis 1963, personne ne connait exactement combien de mes compatriotes ont été tués, victimes collatérales, victimes des empoisonnements des points d’eau par les troupes de Kadhafi…

Un éternel « opposant » tchadien, disait que l’armée tchadienne ne pouvait rien faire au Mali, sans couverture aérienne de la France. Ce Monsieur avait peut-être été amnésique, pour oublier les combats héroïques menés par nos militaires à Wadi-doum, à Fada, à Faya, à Aouzou et surtout la mémorable raclée infligée aux soldats libyen à Mateen es sara, une importante base militaire libyenne, située à plus d’une centaine de kilomètres en territoire Libyen. Cette victoire éclatante de l’armée tchadienne avait réveillée les rancœurs entre les anciens esclavagistes Arabes et les Noirs. La ligue Arabe par la voix de son secrétaire général (1980-1990), Chedli Klibi avait monté le ton en parlant d’agression du Tchad contre la Libye (en dénonçant l’attaque des forces tchadiennes de la base de Maten es Sara en Libye) alors que ce pays occupait la bande d’Aouzou, territoire tchadien depuis les années 70.

En revenant sur ces faits, j’ai voulu dire que nos frères Maliens, n’avaient pas besoin du soutien militaire de la France ou du Tchad (même si beaucoup veulent occulter le rôle déterminant du Tchad au Mali). Et si les Maliens n’avaient pas pu défendre leur pays contre les Islamistes qui n’étaient pas armés comme l’a été, l’armée de Kadhafi à l’époque où elle livrait une guerre haineuse et barbare contre le Tchad. Et si les frères Maliens avaient failli à la défense de leur intégrité territoriale, la faute ne revient au peuple Malien, mais à leur dirigeant et à leur militaire de salon, avec des bedaines et des fesses grosses à faire pâlir de jalousie les femmes.

Nos frères Maliens doivent savoir une chose, et en premier lieu, attribuer la responsabilité de la crise au capitaine Sanogo, qui à mon avis était le responsable de la descente aux enfers du Mali. Pendant que le soldat lambda malien souffre dans la chaleur suffocante du désert, Sanogo se voit propulser à des responsabilités qui ternissent la mémoire des nombreuses victimes de la crise malienne. Ce petit capitaine d’opérette, doit-être traduit devant les juridictions maliennes pour y répondre de ses actes comme vecteur principal à la prise du grand nord malien par les islamistes. Sanogo n’a pas sa place dans les bureaux de Bamako, mais au front pour assister ses frères d’arme en galères et faisant courageusement face aux bandits, en dépit de leur moyen archaïque.

On ne fait pas la guerre à partir des salons et des débits de boissons, mais avec des actes de courage, de bravoure et de sacrifice sur le terrain. Sanogo avait demandé des armes, il a trouvé des armes et en renfort des militaires de plusieurs pays amis du Mali, il devrait descendre sur le terrain pour prouver son amour pour son pays et son courage.

Le peuple Malien doit savoir qu’on ne nait pas guerrier, on le devient. On ne vient pas au monde avec la bravoure, on l’acquiert. Vous devrez apprendre à défendre votre pays, car ca ne sera pas toujours la France ou le Tchad (que vous ignorez!) qui voleront à votre secours. Je suis à même de comprendre votre enthousiasme à l’endroit de la France, ce grand pays qui fait rêver tant des jeunes de chez vous et de certaines régions de l’Afrique, lesquels, chaque année, bravent les rigueurs et la dangerosité du désert et de la mer pour rentrer en occident, cet eldorado qui fait tourner les têtes. Vous conviendrez avec moi que brandir le drapeau français et l’effigie de François Hollande à Bamako, Tombouctou, Kidal, Léré… C’est aussi avancer dans son rêve de débarquer en occident. Par rapport au drapeau de la France et les images de Hollande, que vaut un drapeau du Tchad et l’image de son Président Idriss Deby ? Quel africain aimerait consommer local ? Quel malien aimerait brandir le drapeau du Tchad qui risquerait de lui brûler les mains ?

Demain, les historiens français écriront des livres d’histoire sur le drame malien, en prenant le soin d’envoyer un message fort aux générations futures maliennes et africaines. Le Mali, ses institutions et sa culture ont été attaqués par des groupes terroristes islamistes, et libéré par les forces françaises. Ces historiens comme à leur habitude, vomiront des inepties indigestes servant à faire la gloire de la nation Française. Loin de là, aucune allusion au Tchad. Aucun passage sur le rôle des soldats tchadiens au Mali. Déjà l’histoire a commencé sa marche injuste envers mon pays, le Tchad. Le prix Félix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix décerné à François Hollande en est un exemple édifiant. Aucun remerciement pour Idriss Deby, le courageux Président de mon pays qui volé au secours du Mali par pure solidarité contrairement à la France qui est venue au pays des Dogons, défendre ses intérêts et ses mines d’uranium au Niger. Le Tchad n’a ni mine, ni boutique ou industrie au Mali, au Niger ou tout autre pays de l’Afrique de l’ouest.

Moussa Guetane



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